
En 1922, Francis Picabia écrivait : "Si vous voulez avoir des idées propres, changez-les comme des chemises." Tout au long de sa carrière audacieuse et inventive, qui s'est étendue sur près de 50 ans et a englobé la peinture, la performance, la poésie, l'édition et le cinéma, Picabia a vécu cette prescription.
Bien qu'il soit surtout connu comme dadaïste, son travail va de la peinture impressionniste à l'abstraction radicale, de la provocation iconoclaste au pseudo-classicisme, et de la photo à l'art informel. Il aimait la controverse et ses engagements réguliers avec la presse faisaient partie intégrante de la construction de sa personnalité artistique.
Né à Paris en 1879, Picabia s'est d'abord fait connaître en tant que peintre impressionniste tardif en 1905. À l'automne 1912, il expose un groupe d'abstractions à grande échelle, dont Le Printemps.
Avec Amorpha, fugue en deux couleurs de František Kupka et La Femme en bleu de Fernand Léger, les toiles de Picabia marquent l'arrivée de la peinture non-objective à Paris. Ce changement stylistique est le premier d'une longue série de brusques revirements qui caractériseront sa carrière. C'est aussi son premier grand succès de scandale, les critiques condamnant ses nouvelles œuvres comme "laides" et "incompréhensibles".

Alors que la Première Guerre mondiale fait rage en Europe, Picabia s'exile à New York, Barcelone et en Suisse. À cette époque, ses activités d'éditeur de la revue 391 coïncident avec l'apparition de la machine dans son œuvre visuelle.
Comme dans "M'Amenez-y", les objets frontaux et durs, souvent copiés dans des revues scientifiques et rendus avec précision par des peintures industrielles, occupent le devant de la scène. Il commence également à agrémenter ses compositions de mots et de phrases.
Après la guerre, Picabia retourne à Paris, et le mouvement Dada, dirigé par Tristan Tzara, y débarque peu après, inaugurant des mois de performances, de fêtes et de batailles dans la presse dans un assaut total contre la culture de la rationalité que les dadaïstes tiennent pour responsable de la guerre. Picabia réalise des œuvres comme Tableau Rastadada, un autoportrait mordant, trouvant dans Dada un esprit provocateur qui correspond au sien et le prolonge.

Picabia continue de changer de style et d'expérimenter des matériaux peu orthodoxes. Bien qu'il renonce à Dada en 1921, certains principes de ce mouvement persistent dans son œuvre, notamment l'appropriation d'images trouvées : dans l'une de ses dernières phases stylistiques, il copie et recombine des photographies de magazines dans de nouvelles compositions peintes, comme dans Portrait of a Couple. Tout au long de sa carrière, Picabia s'est interrogé sur le sens et la finalité de l'art, alors même qu'il le pratiquait. En 1949, Marcel Duchamp décrit la carrière de Picabia comme une "série kaléidoscopique d'expériences artistiques". Marquée par une incohérence constante, cette carrière continue de défier les récits traditionnels du modernisme.

Dans un bar de Pigalle en 1938 UN Apache et sa protégée.
Photo : Artiste nous ne savons pas....
Source : MoMA.org
Photos : MoMA, Bailllygalerie.com